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Parfois, il arrive comme dans les histoires que l'on achète frénétiquement dans les gares, que
deux êtres se croisent et se correspondent. Par l'usage d'on ne sait
quelle antenne, de part et d'autre, on calcule et on sait. C'est palpable. C'est là. Il n'y a pas de doute possible.
C'est rarissime comme phénomène. Et beaucoup plus exceptionnellement encore, cela
conduit à un bonheur sans bornes. Trois ans pour le monsieur au centre
qui doit confondre avec la pression sociale cumulée à celle des gonades en blue-jeans. Toute la
vie pour la petite dame au fond avec le chapeau qui a bien de la chance.
Mais dans l'écrasante majorité des cas, rencontrer la vraie
personne est une perspective effroyable que l'on s'emploie à fuir de
toutes ses jambes. Deux vies modernes, avec leur organisation
millimétrée, comportent rarement la case libre capable d'accueillir un
tel
monument.
De part et d'autre, à nouveau, on calcule et on renonce dans
l'instant : trop de pertes, d'explications, de complications, de
réorganisations, de variables inconnues, de nouvelles
insécurités...
Les regards s'évitent alors, et on passe sans
se retourner. Ce n'est pas le bon moment, rationalise-t-on, en servile manager, automatiquement. Juste comme
si l'instant de l'évènement pouvait se remettre au lendemain.
Or c'est évident : par voie de conséquence, le lendemain devient alors, encore bien plus que le présent,
un temps de concessions, de devoirs et de renoncements.
Je me demande parfois si cette fuite n'est pas comparable à
l'homme qui tombe d'un trentième étage, qu'on arrête à cinq mètres du
sol et qui déclare : "Laissez, je vais continuer encore un peu..."
En croyant un tout petit peu moins au Père Noël, il y a "Les passantes" de Georges Brassens :
"À celles qu'on connaît à peine,
Qu'un destin différent entraîne
Et qu'on ne retrouve jamais."
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