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L'école
Architecture classique dans l'éducation : des rondelles
obligatoires d'un an, peuplées d'un vide effarant. Schématiquement : on
y apprend l'alphabet au rythme d'une lettre par an, et tous les ans on
reprend à la lettre "A". Des tranches d'éternité carcérale pour les
êtres concernés.
Évidemment cela marche d'autant mieux qu'autour, tout le
monde considère le passage à la rondelle supérieure avec sérieux et
sans pouffer, comme le signe indubitable d'une grande réussite.
Et puis il y a le redoublement. Un alourdissement de peine qui touche
si souvent la jeune fille trop féminine et enjouée pour les gris
professeurs. C'est une douloureuse mais sérieuse hypothèse en ce
qui concerne l'origine des blondes que l'on connait.
Je crois qu'il n'est pourtant pas parfaitement exclu, que dans
des cas exceptionnels, le redoublement puisse avoir une petite utilité.
Prenons l'exemple de l'élève Séguédille qui n'a pas eu le temps
d'apprendre à faire la barre transversale de ses "A" pendant son année.
Il y a un risque sérieux pour que dans la classe supérieure, comme on
reprendra la base du "A", il se mette à faire des "W" inversés. Il vaut
donc effectivement mieux repartir de zéro. Du début du "A"...
La vitesse
J'avais dit que c'était mon amie. Je parlais des coups de
pinceau. Mais pour la réalisation d'un tableau, on ne peut pas dire que
la vitesse fasse partie de mes proches connaissances.
J'aime le fruit d'un travail de longue haleine. Ingrat sur de
nombreux plans, mais si généreux quand soudain, un jour, je reconnais
ce que cherchais, là, sur la toile. Et avec plus de netteté que je
n'avais osé espérer.
J'aime aussi que quelque chose cloche, du début à la fin. Quand
tout va trop bien, je me désintéresse. Il me semble toujours
que tout ce que l'on peut représenter sans erreur et sans peine, n'est
pas tout à fait passionnant.
Bref, voilà tout le contraire : un tableau préparé longuement en pensées, mais réalisé en vingt minutes.
Je trouve que cela met en évidence le côté cubiste de mes
visages. Cubiste dans le sens où en général (et dès le début de
la réalisation), chaque œil que je peins sur une même face, représente
un temps différent. Complémentaire donc proche, mais différent d'un
même individu. Comme pour faire le tour de sa situation. Pour creuser
le fossé de sa contradiction essentielle, là, en plein centre, en
évidence.
Ce qui m'occupe est cette faille béante et
dynamique, entre deux façons d'envisager une situation, une existence.
Mon sujet est ce décalage, cette concertation ou confrontation de deux
"hémi-moi", l'espace d'une seconde, au cours de la mesure de l'état de
fait. Le mot "visages" n'est employé que par commodité. Ce sont des pensées que je peins.
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